Monday, October 10, 2011

Les citoyens "mouettes" de nulle part et partout


L'immigration est toujours un sujet brûlant quand l'économie se ralentit et que les emplois se font rares, il n'y a donc aucune surprise à ce qu'il ait grimpé au sommet de l'agenda politique en Europe et aux Etats-Unis. Mais une bonne partie de ce débat actuel sur les thèmes séculaires de nous contre eux, des nouveaux arrivants contre les anciens passe à côté d'un aspect essentiel : à l'âge de l'internet, des avions et des multinationales, les concepts même d'immigration, de citoyenneté et d'état sont en mutation.

"Il s'agit d'une nouvelle vague, d'une nouvelle tendance, rapporte Wang Hulyao, fondateur et président du Centre pour la Chine et la globalisation, basé à Pékin. Nous avions déjà la globalisation des échanges, la globalisation des capitaux et maintenant nous avons celles des talents."

Il en découle qu'au lieu d'avoir une immigration synonyme d'un simple voyage entre deux points donnés de départ et d'arrivée, Wang explique que de nombreux Chinois sont devenus ce qu'il appellent des "mouettes", faisant la navette entre San Francisco ou Vancouver et Pékin ou Shanghai.

La révolution technologique a permis le développement de communications à bas prix, instantanées et, souvent, quasi permanentes, ce qui a encore plus fondamentalement modifié le fait de partir loin de chez soi.

Suivant la même idée, le professeur Mark Boyle, un expert en migration à l'université nationale d'Irlande, Maynooth, nous explique : "La législation sur la citoyenneté se débat pour rattraper les nouvelles réalités de la globalisation du travail. Elle est toujours basée sur la notion d'une population sédentaire, au lieu de celle de nomades que bon nombre d'entre nous sont devenus."

L'un des plus gros changements se situe dans notre façon d'appréhender ce que nous appelions auparavant la "fuite des cerveaux."

"De plus en plus, les immigrants qui habitent ailleurs sont vus comme des ressources." ajoute Boyle. "C'est une rupture de paradigme, c'est une faille séismique. La notion de fuite de cerveaux est tournée en ridicule et à sa place, on parle de circulation de cerveaux." L'idée est que les gens peuvent revenir en touristes, qu'ils peuvent devenir ambassadeurs de leur pays d'origine ou servir d'intermédiaires dans les affaires."

Wang partage cette idée : "Il ne s'agit plus de fuite de cerveaux, ni même de gain de cerveaux. Il s'agit de circulation mondiale de cerveaux."

Un des pays qui utilise au mieux cette diaspora selon Boyle est l'Inde. "L'Inde considère de plus en plus sa diaspora comme un actif. Beaucoup avance l'idée que le développement technologique de l'Inde n'aurait jamais eu lieu sans sa population basée à l'étranger, notamment en Silicon Valley. Le gouvernement a donc dû revoir son attitude envers ses citoyens. L'Inde a donc mis en place un ministère à part entière, uniquement dédié au suivi des expatriés."

Un exemple que Boyle admire est GlobalScot, une organisation publique qui rassemble les hommes d'affaires Ecossais travaillant à l'étranger et les entreprises écossaises souhaitant exporter leurs biens et services. Une agence d'audit externe a estimé qu'entre 2004 et 2006, GlobalScot a rapporté plus de 28 millions de livres à l'économie écossaise.

Mais Boyle insiste qu'à l'ère de la globalisation, une diaspora fortement attachée avec son pays d'origine peut rapporter autant à son pays d'accueil qu'à son pays d'origine : "Les diasporas sont des situations gagnant-gagnant. La Silicon Vallée y gagne et le pays d'origine gagne aussi."

C'est un gros changement. Mais certains pays et législateurs prédisent que le concept de citoyenneté sera de plus en plus flou.

Boyle explique que la Nouvelle Zélande, avec son isolement géographique, sa faible population et son fort taux d'expatriés est le pays qui est allé le plus loin dans ce sens : "La Nouvelle Zélande est en train de fondamentalement redéfinir ce que signifie le terme de nation Néo-zélandaise. La Nouvelle Zélande se dit être à la fois une petite île isolée du reste du monde et en même temps une nation avec un réseau mondial avec des personnes disséminées autour du globe."

Vivant nous-même avec Facebook, nous ne devrions pas être surpris que certains pays commencent à s'envisager plus comme un réseau social qu'un lieu géographique.

crédit photo FreeFoto.com, d'après Chrystia Freeland, reuters.com traduit par Sophie

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