Monday, February 10, 2014

La ballade du berger roumain


Les bergers ont une place particulière dans l'histoire et la culture en Roumanie, de plus leur mode de vie n'a pas beaucoup changé depuis des siècles... du moins jusqu'à maintenant. Les réseaux sociaux en ont transformé au moins un en célébrité. (traduit d'un article du BBC News Magazine du 14 janvier 2014 par Caroline Juler)

 Il y a quelques semaines, par un lundi matin froid et humide, un berger roumain nommé Ghita a quitté sa maison avec ses moutons. Il n'était pas en camion mais à pied, accompagné de plusieurs 'angajati', ou employés, quelques chiens pelés et sept ânes chargés d'équipement. Ghita partait en transhumance automnale vers le nord, en direction des pâturages d'hiver. Cela allait lui prendre six semaines.

Pour un pays dont le mythe fondateur tourne autour des bergers, la Roumanie n'est pas tellement tendre avec ses pasteurs. Un CV de berger doit comporter des USP (ou arguments de vente différenciateurs) déterminants : l'attention aux autres, l'autonomie et le dévouement. Il, parce que c'est pratiquement toujours un homme, même si dans la vie réelle des femmes font le même métier, est synonyme de l'idéal de gentillesse du christianisme, et d'ailleurs de l'islam aussi, mais tout cela, il est un personnage humble, souvent solitaire et parfois déraciné.

Comme les fermiers du monde entier, les maîtres de troupeaux roumains aiment se plaindre. Mais, les choses sont devenues difficiles pour eux depuis 1989. Jusque là garantis, les prix de la laine se sont écroulés. Même s'il existe un marché d'exportation de l'agneau roumain, et même si le fromage de brebis se vend bien, la tendance « slow-food » n'a pas engendré suffisamment de changements pour les bergers qui considèrent plus sain, et moins cher, d'emmener leurs moutons dans des pâturages lointains en hiver plutôt que garder les animaux en intérieur.

Les bergers roumains ont encore une allure archaïque. Ils portent une longue pelisse en peau de mouton, appelée 'cojoc' ou 'sarica'. En mettant la toison à l'extérieur, c'est aussi leur lit, ainsi quand les bergers appellent leur pelisse leur maison, ils ne plaisantent pas. Leur vie n'est pas facile mais si vous partagez un moment leur route, vous apprendrez à connaître leur sens de l'humour un peu grivois.

Dites « berger » à un Roumain et il y a de grandes chances pour qu'il prenne un air narquois et vous demande si vous avez entendu parlé du politicien, philanthrope et propriétaire d'un club de foot controversé qui a été pris en train de passer des transactions de terrain suspectes. Mais les choses sont en train de changer. En août, cette année, une entreprise de téléphonie bien connue a démarré une campagne de publicité mettant en valeur des personnages réels exerçant de vrais métiers. L'un d'entre eux était Ghita.

Habillé de sa 'cojoc' et son chapeau sans rebord (une autre pièce incontournable de l'attirail d'un berger), assis près d'un feu de camp et dansant avec son troupeau, Ghita le berger a fait fureur en Roumanie. Dix jours après que son inscription sur Facebook, son mur avait engrangé plus de 200 000 j'aime. Un mois plus tard, c'était le double.

Auparavant, Ghita devait déplacer ses moutons illégalement, de nuit. En raison des risques liés à la traversée de la campagne roumaine, en urbanisation rapide et très motorisée, c'était le seul moyen. Les accidents et les tirs d'armes à feu lui ont coûté d'innombrables moutons et beaucoup de chiens. Peut-être que cette année grâce à sa célébrité récemment acquise, Ghita aura plus de chance.